Un nouveau chapitre

Boris Pourreau
10 min readOct 8, 2020

« Lorsque tout va bien, c’est qu’il est grand temps d’entreprendre autre chose » Fernand Deligny.

En cet automne 2020, j’ai pris la décision de quitter mon poste de CEO chez Sport Heroes. J’ai dédié sept années de ma vie à cette aventure, en y donnant toute ma passion, mon énergie, mes rêves, mon temps et j’ai vécu toutes les émotions possibles, avec une équipe formidable. Alors bien sûr cette décision n’a pas été facile, car c’est abandonner une partie de soi... Pourtant je pense aujourd’hui qu’il est temps pour moi de passer le témoin et de me consacrer à d’autres projets.

D’un projet démarré en 2013 sur notre temps libre, avec Jean-Charles Touzalin, nous avons construit une entreprise référente dans le domaine du sport et du bien-être. Sport Heroes compte aujourd’hui 70 collaborateurs répartis dans 5 pays, 1,5 million d’utilisateurs, plus de 300 clients, et génère plus de 5M€ de CA. Surtout, l’entreprise est plus que jamais en forte croissance, avec +70% en 2019 et probablement +50% en 2020, malgré le contexte particulier.

Tout cela, nous le devons en premier lieu aux 250 personnes qui ont, un jour au moins, travaillé dans l’entreprise. Nous le devons aussi à ceux qui nous ont fait confiance, nos clients, nos investisseurs, nos soutiens. Ceux qui, au début, ont simplement cru en une idée. A tous ceux-là nous ne dirons jamais suffisamment merci.

Alors pourquoi partir maintenant ? Car justement, je pense que l’entreprise est désormais suffisamment autonome, elle n’a plus autant besoin de mon attention quotidienne. La vision est claire, le business model bien établi, avec 70% de revenus récurrents grâce à la vente de logiciels (SaaS), et avec 30% de revenus additionnels publicitaires. L’équipe en place maitrise parfaitement les process clés et notre actionnaire (Genairgy) est solide et impliqué dans l’avenir. Bien sûr, il y aura de nouvelles grandes étapes, des décisions stratégiques à prendre, mais maintenant que ce bébé marche et avance, il est temps de me consacrer à d’autres idées, de poursuivre d’autres rêves, de donner naissance à d’autres projets.

Pour autant, je resterai impliqué au sein de Sport Heroes en tant que membre du board, je participerai aux réflexions stratégiques et je serai en appui aux équipes, en tant que fondateur que je resterai immuablement. Car au fond, en tant que passionné de sport et profondément convaincu de tous ses bienfaits, Sport Heroes est pour moi le moyen d’accomplir une partie de moi-même en œuvrant pour la promotion d’un style de vie sain et sportif.

Mais je sais aussi qu’il y a 1000 autres problèmes dans ce monde qui m’affectent et pour lesquels il me tarde de trouver des solutions. Le fil conducteur étant, je crois, de développer des choses qui aident les Hommes à traverser l’existence de la meilleure des manières.

Retour sur ces 7 années, le début de notre histoire

Impossible de tourner cette page sans regarder dans le rétroviseur, revenir sur les grandes étapes de la vie de Sport Heroes (et de la mienne!) et partager mon expérience à ceux qui voudraient entreprendre.

L’idée de départ

On m’a souvent posé cette question de l’idée initiale. D’où vient-elle ? Ce qui m’a amené à créer cette entreprise ? Quand on me la pose, je sens qu’on attend l’histoire d’une révélation, d’une idée fulgurante qui me serait parvenue au cours d’un long footing. La réalité est plus pragmatique. Elle est venue d’une envie profonde d’entreprendre, de créer quelque chose et d’être libre, dans un domaine qui me passionne, considérant que pour affronter les hauts et bas de l’entreprenariat, mieux vaut être passionné par son sujet. Nous sommes aussi partis d’un constat assez simple : 50% des gens ne pratiquent pas de sport par manque de motivation. Dès lors, il fallait trouver une idée pour booster la motivation du plus grand nombre. L’idée d’une programme de fidélité et de récompense autour de la pratique était née.

Nous nous rencontrons avec Jean-Charles en mai 2013, lors d’un Startup Weekend et commençons à travailler sur notre temps libre autour de cette idée. Nous avons alors 25 et 27 ans et ne connaissons rien au monde des startups et à la création d’entreprise. D’ailleurs j’ai retrouvé notre premier dossier de présentation, que nous avions écrit pour participer à un concours de création d’entreprise. Intéressant de voir notre amateurisme, mais aussi que nous avions vision claire de ce que nous voulions construire.

Il nous semblait important de commencer par créer un prototype, nous investissons alors quelques centaines d’euros et avançons avec beaucoup de débrouille. En mars 2014, nous lançons le site internet Running Heroes.

La première version de Running Heroes en 2014, designed by Benjamin Jouve, qui a par la suite été embauché en tant que Directeur Artistique en 2015

La première traction

Nous réalisons la première campagne de communication de manière très artisanale, sans moyens, en postant à la main dans tous les groupes de coureurs existants sur Facebook. Le fait de s’adresser à une niche était alors un avantage pour cibler d’abord spécifiquement les pratiquants. En quelques semaines, des milliers de coureurs s‘inscrivent sur Running Heroes, ce qui confirme que nous tenons quelque chose et que nous pouvons en faire une entreprise. En avril 2014, nous rencontrons Day One Partners (à l’époque L’Accélérateur) qui nous propose d’investir 40k€ pour démarrer. La société est née le 31 mai 2014, plus de 2 mois après le lancement du site internet.

Avec Day One Partners, nous avons de précieux conseils et un peu d’argent pour recruter nos premiers salariés et promouvoir notre site, au travers de publicités sur Facebook majoritairement (à l’époque les coûts d’acquisition étaient faibles mais là dessus aussi les temps ont changés et je recommanderais une tout autre stratégie aujourd’hui…)

En novembre 2014, 6 mois après le lancement, nous comptons 50.000 utilisateurs, ce qui nous permet de lever 300k€ auprès d’une cinquantaine de business angels, grâce à la plateforme de financement Anaxago. Ce montant semble dérisoire aujourd’hui, compte tenu des levées de fonds actuelles, mais en 2014, le marché était bien différent et les investisseurs plus prudents. Surtout qu’à ce moment là, nous n’avons aucun modèle économique…

Le jour où nous sommes devenus une entreprise

En 2015 nous mettons les bouchées doubles pour réussir notre pari et prouver à nos investisseurs qu’ils ont eu raison de croire en nous.

Avec rapidement 100.000 utilisateurs de Running Heroes, nous commençons à vendre des campagnes publicitaires à des marques de running qui s’intéressent à cette cible (Nike, Brooks, New Balance…). Ces campagnes sont de quelques milliers d’euros seulement, mais elles valident le besoin de ces marques de communiquer à notre audience. Nous lançons le concept en Australie 🇦🇺 et au Royaume-Uni 🇬🇧 et diversifions notre offre en lançant Cycling Heroes, un équivalent dans l’univers du vélo.

Mais surtout nous inventons le concept de courses virtuelles (des événements sportifs à distance, dématérialisés) et commençons à vendre notre technologie sous forme de logiciel, afin de permettre à des organisations de créer leurs propres événements connectés. Notre premier client, UNICEF, créé en avril 2015 la course UNICEF Heroes Day qui réunit plus de 5.500 participants et permet de récolter 132.000€ de dons. Une opération mise en avant par les plus grands médias français. Même la Fédération Internationale d’Athlétisme salue l’initiative.

Grâce à ce premier grand succès, nous avons la chance de créer dans la foulée des courses virtuelles pour des entreprises et organisations comme A.S.O (Marathon de Paris, Semi de Paris, l’Etape du Tour), Kinder, Nature & Découvertes, Médecins du Monde, le Téléthon, L’occitane en Provence… Ces projets changent la donne pour Sport Heroes, car nous les vendons plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Ce fût une année riche de développements à tout-va, de projets et de succès. Avec une équipe d’une petite dizaine de personnes, je me demande encore comment nous avons réussi à accomplir autant de choses. La réponse c’est que nous étions une équipe-commando investie à 200%, passionnés par notre mission et toujours enthousiastes dans l’adversité.

En coulisse, en terme de technologie notamment, nous savons que beaucoup de choses ne tiennent qu’avec des bouts de ficelle, mais nous considérons qu’à ce stade, cela suffit pour le moment. D’un point de vue économique, nous réalisons plus de 700k€ de CA dès notre première année, ce qui est, avec le recul, assez exceptionnel 😊

La structuration pour grandir dans le bon sens

Ces succès nous permettent, début 2016, de réaliser une levée de fonds supplémentaire de 2M€ avec le fond A Plus Finance et quelques business angels. La tâche ne fût pas facile, un certain nombre de fonds trouvant notre modèle “trop média”, “pas assez scalable”, ou sur un “trop petit marché”. L’objectif est alors de structurer l’entreprise, sachant qu’à ce stade on sait seulement vendre d’abord, puis délivrer, comme on peut, nos clients 🤣. Pour continuer à grandir et être capables de satisfaire un plus grand nombre de clients, nous devons tout (re)construire : le produit, notre technologie, nos offres, nos process, ainsi que monter en compétences sur nos métiers clés…

Les recrutements s’accélèrent, nous sommes maintenant 30 personnes et nous tâchons de mettre en place la bonne organisation, les bonnes méthodes de management et de communication pour assurer une collaboration efficace. Nous changeons d’organisation tous les 6 mois, tâchant d’être agiles, à la recherche de l’optimum en fonction du contexte du moment. De ma petite expérience, c’est un sujet insoluble et infini.

Cette année là marque aussi la naissance de notre offre United Heroes, dédiée aux entreprises qui souhaitent promouvoir le sport en interne, auprès de leurs collaborateurs. Cette offre est le prolongement de nos premières offres logicielles avec la conviction que le sport et le bien-être allaient devenir des sujets majeurs et long terme pour les DRH et directions de la communication. C’est aussi l’occasion de déployer un nouveau business model, avec un modèle SaaS d’abonnement. Les 12 premiers mois sont très difficiles, nous n’avons pas le bon produit, nous nous adressons aux mauvais interlocuteurs, donc nous ne vendons presque rien. Mais nous n’abandonnons pas cette vision long terme qui commence à payer fin 2017. Aujourd’hui, United Heroes est utilisé par plus de 150 grandes entreprises, dont Orange, EDF, Total, Amazon, LVMH, Vinci, BPCE… et compte pour plus de 30% du CA de Sport Heroes.

L’accélération et l’internationalisation

Grâce à la structuration de l’entreprise, Sport Heroes avance vite : nous comptons 500.000 utilisateurs et continuons le développement de nos différents modèles : vente de logiciel et campagnes de communication. L’équipe compte désormais 40 personnes et pour expliquer en détail notre vision à chacun (😇), nous partons en janvier 2017 en séminaire pour une semaine à Séville ☀️🇪🇸. C’est à cette occasion que nous écrivons, tous ensemble, les valeurs de l’entreprise, celles qui nous guideront pour nos prochaines actions et décisions. Assurément un des moments les plus forts dans cette aventure humaine.

Nous accompagnons la candidature de Paris 2024 en créant “Objectif Paris 2024”, une plateforme pour courir et soutenir la candidature française pour les JO et vivons le 13 septembre la victoire comme si c’était la nôtre. Cette année là, Sport Heroes réalise 2,5M€ de chiffre d’affaires et compte 50 salariés à la fin de l’année.

En 2018, Sport Heroes franchit une nouvelle étape avec l’arrivée d’un nouvel actionnaire majoritaire, Genairgy. La société, créée en 2006 par Michel Leclercq, le fondateur de Decathlon, investit dans le domaine du sport pour bâtir les leaders de demain. C’est l’occasion pour les investisseurs ayant accompagné le démarrage de Sport Heroes de céder leurs actions et de réaliser une belle opération financière, la société étant valorisée 12M€. Pour Sport Heroes, c’est l’opportunité d’accueillir un actionnaire solide, ayant une vision long terme pour l’entreprise et ses activités. Genairgy injecte alors 4M€ dans l’entreprise pour lui permettre de poursuivre son développement.

La croissance de l’entreprise se poursuit, ainsi que son internationalisation. En 2019, nous devenons membre de l’ONG 1% for the planet et nous engageons à reverser 1% de notre chiffre d’affaires à des associations qui défendent l’environnement. C’est un engagement important pour lequel nous n’avons pas hésité longtemps tant le sujet résonne en interne et mobilise nos jeunes équipes. Si les plus jeunes entreprises ne montrent pas l’exemple, qui le fera ?

Durant la crise du Covid, IRONMAN, acteur américain 🇺🇸, n°1 mondial dans l’univers des sports d’endurance, nous contacte alors que ses 200 événements vont être annulés. Nous créons le IRONMAN Virtual Club qui accueille 150.000 triathlètes en quelques semaines et leur permet de participer tous les weekends à des compétitions virtuelles. Le célèbre slogan “anything is possible” devient “anywhere is possible”.

La référence est prestigieuse, s’en suivent de nombreux acteurs du monde entier qui créent leur plateforme et leurs courses virtuelles. Cela permet à Sport Heroes de compter à ce jour 1/3 de ses utilisateurs et 1/3 de ses revenus à l’international. En France, c’est Paris 2024 qui choisit notre technologie pour créer et animer son club de supporters.

Et maintenant ?

Avec le développement de ses solutions logicielles, Sport Heroes a trouvé une place unique sur un marché mondial. Nous proposons la meilleure solution pour permettre à quiconque de créer et d’animer et de motiver sa communauté de sportifs. Cela concerne un grand nombre d’acteurs : des marques, des organisateurs d’événements sportifs, des entreprises, des villes ou institutions publiques.

Nous opérons en marque propre (Running Heroes, Cycling Heroes, Swimming Heroes) ou en marque blanche (IRONMAN, Paris 2024…).

Avec ce positionnement, nous avons renoncé à notre idée de départ, celle de devenir une marque unique qui agrègerait la plus grande communauté au monde. En fait, nous croyons qu’il y a une multitude d’acteurs capables de créer une multitudes de communautés. Ce qui leur manque, nous leur fournissons, c’est la technologie, les outils et le savoir-faire.

Au bout du compte, cette stratégie d’essaimage est exponentielle, c’est donc la meilleure pour accomplir notre mission : promouvoir le sport et faire bouger le plus grand nombre.

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